Le duo de tête négocie une zone de vents faibles au centre de l’anticyclone Sainte-Hélène. La ronde des vents aurait favorisé un passage plus à l’est. Toutefois, il n’est pas dit qu’un gain de vitesse aurait compensé la distance supplémentaire à parcourir.

Jourdain (2e) fait du nord à 13 nœuds sur mer calme, à environ 190 nautiques de Desjoyeaux. Ces conditions lui permettent d’effectuer les réparations les plus urgentes pour renforcer son pied de mât et les fissures autour de la fixation de la quille après l’incident d’hier. A suivre de près.

Pour Desjoyeaux (1er), il ne reste plus que 5 500 milles à parcourir, soit environ 20 jours de mer. Si tout va bien, il est attendu aux Sables d’Olonne le dernier week-end de janvier. De là à croire que la partie est gagnée pour lui serait prématuré. Le jeu de l’accordéon entre les concurrents de tête n’est pas complètement terminé. Pour l’instant, il tient une moyenne de 12 nœuds dans une zone de vents peu favorables. Néanmoins, il fait du nord, droit au but malgré ses zigzagues caractéristiques.

Le Cléac’h fait bonne route au nord, à 12 nœuds de moyenne et à 714 nautiques du chef de file. Il se dit dans un système météo différent du duo de tête, pourtant la carte des vents le montre déjà sous l’influence de l’anticyclone Sainte-Hélène.

La nuit dernière, Davies (4e) a été malmenée par la mer et des grains de 45 nœuds. Elle ne s’en plaint pas trop et recense aussi tous les moments de grâce qu’elle éprouve chemin faisant. Elle a terminé sa descente vers le sud et mis le cap à l’est, droit sur le Horn. Elle tient une moyenne prudente de 15 nœuds, par 25 nœuds de vent portant. Vu les vents faibles et contraires qui l’attendent dans le détroit de Le Maire, elle pourrait fort bien opter, à l’instar de le Cléac’h, pour un contournement par le sud des îles des États afin d’amorcer en beauté sa remontée de l’Atlantique

White (9e) est de bon poil. Il poursuit patiemment la course et pense déjà au prochain Vendée Globe. Grand bien lui fasse !

Riou, arrêté pour cause d’avarie, dans le canal Beagle en Patagonie, figure maintenant sous la mention ‘RDG’ au classement de la course. On ne connaît pas exactement ses intentions en ce moment.

Par ailleurs, on attend de savoir où et quand Guillemot (5e) va réparer son rail de mât, afin de pouvoir ensuite accélérer l’allure. Sans doute n’a-t-il vraiment aucun avantage à réparer avant le passage du Horn, puisque les vents sont forts dans ces parages. En fait, lorsqu’on pense qu’il descend vers le Horn avec trois ris dans sa GV en raison de l’état de son rail de mât, il se débrouille très bien. Je me permets de rappeler encore, qu’en temps compensé, il est à plusieurs centaines de miles en avant de sa position géographique actuelle. Il a donc toutes les raisons de vouloir continuer malgré ses problèmes de GV.

Parmi les nombreux skippers contraints à l’abandon, certains comme Derek Hatfield, continuent à tenir leurs supporters au courant de leur situation. Ainsi, Hatfield écrit de Hobart où il a relâché pour cause d’avaries. Il attend, semble-t-il, un nouveau mât qui doit lui être expédié d’Amérique du Nord pour lui permettre de continuer vers où…. on ne le sait pas encore.

On sait que Yann Eliès est en rééducation physique en France après une intervention chirurgicale réussie en Australie, et que Loïck Peyron se tient aux abords du PC de la course à Paris, à ce que je sache, pour commenter la course.

Le peloton de queue, du 6e au 12e concurrent, s’étale à partir des parages de la porte de la Nouvelle-Zélande jusqu’aux environs de la porte du Pacifique est. Ils connaissent des conditions météo relativement paisibles.

Dick (abandon) et Malbon (abandon) sont sur le point de rejoindre Josse (abandon) en Nouvelle-Zélande. Dick a eu toute une frousse. Une forte vague a couché son bateau dirigé par un seul safran. Le temps de sauter dans le cockpit, de redresser le bateau et de le remettre sur sa route, il a immédiatement examiné son unique safran et constaté, à son grand soulagement, qu’il tenait toujours le coup. Une mer si imprévisible, si près d’un port d’accueil paisible ! La houle doit être forte dans ses parages car, à quelques centaines de milles dans son sillage, le vent souffle à 30 noeuds ou plus. Pas facile de gérer cette houle avec un seul safran

Fait intéressant à noter : des skippers encore en course, aucun ne se réjouit de remonter dans le classement en raison de l’abandon d’un prédécesseur. Au contraire, la plupart d’entre eux, comme Dee Cafarri, sont ouvertement peinés et attristés de l’échec des autres. En outre, la plupart des skippers en course considèrent chaque accident ou incident survenu à un autre comme un avertissement de ce qui pourrait fort bien leur arriver à tout moment. Le Vendée Globe n’est pas le genre de sport où, lorsqu’un des concurrents lâche la partie, les autres se disent « A la guerre comme à la guerre ». Bien au contraire !

J’avais dit plus tôt en ce 62ème jour de course que Jourdain (2e) était à suivre de près. Il y a deux raisons à cela : il talonne Desjoyeaux (1er) et son bateau Veolia a subi hier des dommages importants, croit-on, suite à un choc brutal contre un cétacé.

La carte du Vendée Globe indique à minuit, heure française, que Jourdain a obliqué vers l’ouest et pique sur Rio. Est-ce pour se rapprocher de la côte brésilienne et d’un lieu sûr par crainte pour la solidité de son bateau, ou suite à une décision stratégique visant à rehausser sa vitesse moyenne ? De fait l’écart entre Jourdain et Desjoyeaux s’est creusé un peu plus, de quoi inquiéter Jourdain. La ronde des vents de Sainte-Hélène dans l’étrave de Jourdain semble justifier son changement de cap, à première vue du moins. En longeant la côte du Brésil, il fait un détour mais gagnera en vitesse. Par contre, le pari de Desjoyeaux consiste sans doute à couper au plus court dans la zone de vents mous pour se retrouver le premier dans la zone des alizés plus au nord.

Deux stratégies bien différentes, celle de Jourdain, espérons-le, n’ayant rien à voir avec ses inquiétudes quand à l’état de son bateau. Pour l’instant, Jourdain progresse vers Rio à 10 noeuds tandis que Desjoyeaux se hisse dans l’Atlantique à 13 noeuds en suivant un parcours plus direct.

Derrière eux, le Cléac’h, bon 3e, progresse à 13 noeuds en suivant, lui aussi un parcours de remontée direct et tout en diminuant de quelque peu son écart avec le leader. Belle performance !

Davies, pour sa part, est à environ 50 nautiques dans l’ouest du Horn, cap sur le gros caillou, comme pour le saluer au passage selon un rituel marin qui, à la vue du tracé de ses trois prédécesseurs, semble se cristalliser de fois en fois.

On annonçait plutôt dans la journée un coup de tabac possible pour les poursuivants de Davies. Aucun signe alarmant dans l’immédiat d’après la carte des vents, mais reste à voir ce qui a poussé les dirigeants de la course à repositionner sensiblement au sud la porte du Pacifique Est.

La réponse à toutes ces questions nous parviendra dans le courant du 63ème jour de cette course fabuleuse.